lundi 21 juillet 2014

DISCOURS DU Dr ALBERT ROCHE LORS DE LA COMMEMORATION DES VICTIMES DES CRIMES RACISTES ET ANTISEMITES AU FORT DU HA LE 20 JUILLET 2014

Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Préfet etc…

Notre civilisation raisonne encore et toujours de la sentence de l’Ecclésiaste : »une génération s’en va, une génération s’en vient, et le monde tient toujours en place. »

Trois générations nous séparent désormais des évènements dont nous rappelons la mémoire en ce 20 juillet 2014 : la représentation nationale a instauré pour les temps à venir et pour les siècles des siècles, un jour d’hommage aux Justes de France et aux victimes des crimes racistes et antisémites del’Etat français, durant la seconde guerre mondiale.

Notre pays a connu les pires moments de l’histoire de l’antisémitisme. L’état français, sous la conduite du Maréchal Pétain, de Laval et de Drumont, cette France là, s’est déshonorée à jamais en organisant le statut des juifs, en planifiant leur rafle et leur déportation vers les camps de la mort.

La collaboration avec le régime nazi s’enrichissait d’un zèle sans précédent, pour recenser, lister les Juifs sur le territoire national, pour enfin éradiquer toute présence juive, et purifier la France de cette souillure juive, rendue responsable de tous les maux de la France et du genre humain.
Ce mécanisme victimaire, magistralement démontré et analysé par René Girard dans son ouvrage le Bouc Emissaire, est une vieille connaissance dans l’histoire de l’Humanité.

Mais le mythe biblique, attaché au pardon des fautes collectives, devenait réalité macabre et le symbole du bouc émissaire trouvait soudain une mise en scène matérialisée et incarnée dans le martyre des Juifs à l’échelle européenne.

Dans cette tourmente insensée, où les noms du Vel' d’Hiv, de Drancy mais aussi de Gurs et de Mérignac résonnent comme autant d’échos de cette forfaiture, quelques hommes, quelques femmes, quelques centaines, et au final, plusieurs milliers de français, se distingueront de la pensée unique et du lavage de cerveau idéologique pour dire Non.

Dire non à l’Etat français, s’opposer à ses décisions, à sa police ou à ses milices, c’était à coup sur risquer sa vie, mettre en danger sa survie et celle de ses proches.

Ces hommes, ces femmes ont, contre toute logique « in illo temporé » et sans logistique ni mot d’ordre, ici et là, partout en France, soustrait des juifs aux recherches de la police, ou assisté des juifs dans leur démarche d’exfiltration en zone libre ou en territoire étranger.

Ils ont sauvé sans contre-partie et sans calcul, des hommes, des femmes, des enfants promis par le seul fait d’être nés juifs à une extermination administrativement programmée et froidement exécutée.

Ces hommes et ces femmes pour beaucoup d’entre eux ont été retrouvés par un travail patient diligenté par Yad Vashem, institut de la mémoire de la Shoah à Jérusalem.

Ils ont reçu la médaille des Justes des Nations. Il reste encore beaucoup de ces héros anonymes, dont nombre d’entre eux ne seront probablement jamais connus ou reconnus. Leur anonymat constitue un devoir supplémentaire d’hommage à leur action, à leur abnégation et au sens de la valeur humaine qui les anima naguère.

Les Justes, il y en eut aussi dans tous les autres pays d’Europe où la persécution anti-juive s’exerça sous la botte nazie. Un chant juif du moyen âge leur correspond comme par anticipation prémonitoire : « c’est par la bouche des hommes intègres que s’élèvera l’Homme et par les actes des Justes que l’Humanité s’embellit. »
Nous aurions pensé que ces temps révolus eurent fait grandir l’Humanité. Hélas, trois fois hélas, la mémoire humaine est longue et courte à la fois.

Longue lorsqu’elle s’inscrit dans un travail pédagogique de transmission de l’Histoire ou de Commémoration, et courte devant le retour insidieux et lentement contagieux d’une idéologie antisémite d’un nouveau genre.

Nous étions presque habitués aux discours négationnistes de quelques marginaux. Nous nous étions fait une raison face aux nostalgiques d’un nazisme d’opérette.

Mais de nouveaux discours antisémites s’amalgament et se renforcent sous la forme inattendue par exemple d’un activisme burlesque ou prétendu tel, allant puiser, comme chez Dieudonné, son inspiration chez des idéologues multi condamnés comme Robert Faurisson ou des opportunistes en mal de médiatisation comme Alain Soral.

S’il en était juste ainsi, selon l’antique expression hébraïque, "DAYENOU": cela nous aurait suffit.

Malheureusement, nous constatons avec inquiétude que ce regain d’antisémitisme puise sa nouvelle force dans le rejet systématique de l’État d’Israël, de son existence, et de sa légitimité.
Il est tout à fait pensable et légitime de s’opposer à une politique, à un gouvernement ou à une idéologie.
En revanche, Il est impensable de s’opposer à l’existence d’un état de droit quel qu’il soit.
Imaginerait-on demander la disparition de la Chine au nom de l’occupation du Tibet et de la destruction de toute culture tibétaine ?
Imaginerait-on demander la disparition de la Russie, au nom des exactions du stalinisme ou du poutinisme actuel ?

La liste serait longue et pourrait toucher et intéresser toute nation souveraine, y compris la notre.

L’Etat d’Israël doit prendre ses responsabilités dans la résolution de son conflit avec le peuple palestinien.
Pour tout observateur indépendant, il ne fera aucun doute qu’Israël défend actuellement sa survie face aux menées terroristes du Hamas.

Parler de la paix n’est possible qu’en climat d’apaisement des tensions militaires, d’apaisement des discours fanatiques, avec une reconnaissance mutuelle des droits de chacun.
L’engrenage délétère dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui est le résultat d’une cascade catastrophique dont il faut rappeler la chronologie :
-Tirs de roquettes Quassam et missiles Grad sporadiques depuis plus d’un an.
-Enlèvement et assassinat des trois jeunes israéliens le 12 juin dernier: Eyal Yifrach, 19 ans, Naftali Frankel, 16 ans et Gilad Shaer, 16 ans également.
-Représailles incontrôlables d’extrémistes juifs qui le 2 Juillet, enlèvent, et brulent vivant Mohamed Aboukhder, jeune palestinien de 16 ans, acte choquant s’il en est, condamné unanimement en Israël.
-Pluie de roquettes sur le sud d’Israël, jusqu’à Tel-Aviv et Jérusalem, entrainant le 8 Juillet, l’intervention militaire, « Barrière de protection », dirigée contre les infrastructures du Hamas, dans la bande de Gaza, avec son cortège malheureux et inéluctable de dégats collatéraux en termes humains, oui, en terme humain, car seules les victimes humaines resteront à jamais irremplaçables.

Les manifestations de soutien au peuple palestinien, désireux de vivre en paix, sont compréhensibles et légitimes.
Que ces manifestations, à Paris à Lille ou à Marseille soient organisées en soutien au Hamas, organisation terroriste, dictatoriale, ayant mis la bande de Gaza sous sa coupe, resteront inacceptables !

Imaginerait-on ces mêmes manifestations dans les rues françaises soutenir « Aqmi, c'est-à-dire Al Qaida au Maghreb Islamique » en conflit avec l’armée française ?

Accepterons nous ces mêmes manifestations dans les rues françaises en soutien aux djihadistes français revenus de Syrie, pour semer la terreur à Toulouse ou à Bruxelles ?

Comment comprendre la demande de Mr Le Drian, Ministre de le Défense de la République française, appelant l’État d’Israël à la retenue contre le Hamas, alors même que l’armée française, notre armée, combat le terrorisme en Centrafrique et au Mali, sans que l’homologue israélien de Mr Le Bihan, n’appelle la France à une quelconque retenue ? Quelle serait la réponse de la France si AQMI se mettait à bombarder les
Comme le disait Shimon Peres dans ses vœux du 14 juillet à l’ambassade de France à Tel Aviv, le 13 juillet dernier «  le terrorisme ne s’explique pas, le terrorisme ne s’excuse pas, il se combat. »

Nous sommes réunis aujourd’hui pour rappeler à notre mémoire les victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat français sous l’occupation nazie.
Je ne rappellerai ni les lois d’exception excluant les juifs des écoles et des universités, des administrations et des entreprises ; je ne rappellerai pas non plus la confiscation de leurs biens, la spoliation systématique, et l’humiliation au quotidien par le port infamant de l’étoile jaune.
Porter l’étoile de David est en soi un geste de fierté ; la porter sous la contrainte pour désigner les juifs à la vindicte populaire, devient un acte discriminatoire prémonitoire des rafles, de la concentration des juifs, de leur déportation et de leur assassinat programmé systématique.

La responsabilité de l’État français s’est trouvée engagée dès Octobre 1940. Le travail des historiens et la clairvoyance des pouvoirs politiques ont progressivement conduit le Président Jacques Chirac, auquel je veux rendre hommage personnellement, à la reconnaissance courageuse de la responsabilité de l’Etat français, et non plus de ce qu’il était convenu d’appeler le régime de Vichy.
Monsieur le Premier Ministre, monsieur le Maire, Monsieur le Préfet, Messieurs les représentants de la majorité et de l’opposition, j’en appelle à votre sens aigu de l’État, à votre attachement du Vivre ensemble, pour qu’aujourd’hui, aucun autre juif de France, ne soit victime de l’État français, par négligence, par laisser faire, ou pire encore, par calcul politique.

Les musulmans de France et les juifs de France, sont français d’abord, et doivent coexister dans le respect des droits et des devoirs octroyés par leur identité nationale.
Il est une responsabilité pédagogique de rappeler ce fondamental à tous les âges et dans toutes les strates de la société civile.
Le vivre ensemble est un impératif citoyen et républicain.
Il se doit d’être contagieux, et pourrait, peut-être, rêvons un peu, inspirer les protagonistes d’un conflit dramatique qu’il est interdit d’importer dans l’Hexagone.
Il en va de la paix intérieure de la France et de tous ses citoyens.
Je vous remercie
Albert ROCHE