Vient de paraître aux Editions Le bord de l'eau |
Qu’y a-t-il de commun entre Daniel Bensaïd, Alain Finkielkraut, Benny
Lévy, Edgar Morin ou encore Shmuel Trigano ? Force est de constater que
tous ont pris part, ainsi que d’autres intellectuels juifs français
contemporains (et de même que bon nombre d’intellectuels non juifs), à
la querelle du « nouvel antisémitisme » qui s’est fait jour au début de
la décennie 2000 - fût-ce pour s’opposer avec virulence les uns aux
autres.
Tiraillés entre la menace d’un «retour du théologico-politique» qui
obsède la pensée politique contemporaine, et un scepticisme à l’égard du
« modèle républicain français » qui est devenu irrévocable après 1945,
ces intellectuels juifs ont marché sur la corde raide. Car il s’est agi
pour eux de remettre en question ni plus ni moins que les principes
philosophiques sur lesquels ont été bâtis les Etats-nations modernes, au
risque de se voir accuser de vouloir revenir à des formes politiques
pré-modernes, voire antidémocratiques – et ce alors même,
paradoxalement, que la plupart ont entamé leur carrière dans des
organisations qui furent à la pointe du combat révolutionnaire lors la
décennie 1960.
A présent que les passions liées à la querelle des années 2000 semblent
un peu apaisées, il est temps d’interroger la nouvelle appréhension de
l’universalisme qu’ils mettent en œuvre afin d’éclairer le parcours
d’intellectuels qui ont chacun à sa manière, avec des motifs certes
divers et en restant toujours dans le cadre de la pensée critique,
esquissé un surprenant mouvement de « retour » soit vers le judaïsme,
soit vers la judéité.
Jean-Claude Poizat, né en 1972, professeur agrégé de
philosophie et docteur en sciences politiques (IEP de Paris), a publié
notamment Hannah Arendt, une introduction (Pocket-La Découverte,
réédition avril 2013).