Monsieur
le Premier ministre,
Monsieur
le Maire,
Monsieur
le Préfet etc…
Notre
civilisation raisonne encore et toujours de la sentence de
l’Ecclésiaste : »une génération s’en va, une génération
s’en vient, et le monde tient toujours en place. »
Trois
générations nous séparent désormais des évènements dont nous
rappelons la mémoire en ce 20 juillet 2014 : la représentation
nationale a instauré pour les temps à venir et pour les siècles
des siècles, un jour d’hommage aux Justes de France et aux
victimes des crimes racistes et antisémites del’Etat français,
durant la seconde guerre mondiale.
Notre
pays a connu les pires moments de l’histoire de l’antisémitisme.
L’état français, sous la conduite du Maréchal Pétain, de Laval
et de Drumont, cette France là, s’est déshonorée à jamais en
organisant le statut des juifs, en planifiant leur rafle et leur
déportation vers les camps de la mort.
La
collaboration avec le régime nazi s’enrichissait d’un zèle sans
précédent, pour recenser, lister les Juifs sur le territoire
national, pour enfin éradiquer toute présence juive, et purifier la
France de cette souillure juive, rendue responsable de tous les maux
de la France et du genre humain.
Ce
mécanisme victimaire, magistralement démontré et analysé par René
Girard dans son ouvrage le Bouc Emissaire, est une vieille
connaissance dans l’histoire de l’Humanité.
Mais
le mythe biblique, attaché au pardon des fautes collectives,
devenait réalité macabre et le symbole du bouc émissaire trouvait
soudain une mise en scène matérialisée et incarnée dans le
martyre des Juifs à l’échelle européenne.
Dans
cette tourmente insensée, où les noms du Vel' d’Hiv, de Drancy
mais aussi de Gurs et de Mérignac résonnent comme autant d’échos
de cette forfaiture, quelques hommes, quelques femmes, quelques
centaines, et au final, plusieurs milliers de français, se
distingueront de la pensée unique et du lavage de cerveau
idéologique pour dire Non.
Dire
non à l’Etat français, s’opposer à ses décisions, à sa
police ou à ses milices, c’était à coup sur risquer sa vie,
mettre en danger sa survie et celle de ses proches.
Ces
hommes, ces femmes ont, contre toute logique « in illo temporé »
et sans logistique ni mot d’ordre, ici et là, partout en France,
soustrait des juifs aux recherches de la police, ou assisté des
juifs dans leur démarche d’exfiltration en zone libre ou en
territoire étranger.
Ils
ont sauvé sans contre-partie et sans calcul, des hommes, des femmes,
des enfants promis par le seul fait d’être nés juifs à une
extermination administrativement programmée et froidement exécutée.
Ces
hommes et ces femmes pour beaucoup d’entre eux ont été retrouvés
par un travail patient diligenté par Yad Vashem, institut de la
mémoire de la Shoah à Jérusalem.
Ils
ont reçu la médaille des Justes des Nations. Il reste encore
beaucoup de ces héros anonymes, dont nombre d’entre eux ne seront
probablement jamais connus ou reconnus. Leur anonymat constitue un
devoir supplémentaire d’hommage à leur action, à leur abnégation
et au sens de la valeur humaine qui les anima naguère.
Les
Justes, il y en eut aussi dans tous les autres pays d’Europe où la
persécution anti-juive s’exerça sous la botte nazie. Un chant juif
du moyen âge leur correspond comme par anticipation prémonitoire :
« c’est par la bouche des hommes intègres que s’élèvera
l’Homme et par les actes des Justes que l’Humanité s’embellit.
»
Nous
aurions pensé que ces temps révolus eurent fait grandir l’Humanité.
Hélas, trois fois hélas, la mémoire humaine est longue et courte à
la fois.
Longue
lorsqu’elle s’inscrit dans un travail pédagogique de
transmission de l’Histoire ou de Commémoration, et courte devant
le retour insidieux et lentement contagieux d’une idéologie
antisémite d’un nouveau genre.
Nous
étions presque habitués aux discours négationnistes de quelques
marginaux. Nous nous étions fait une raison face aux nostalgiques
d’un nazisme d’opérette.
Mais
de nouveaux discours antisémites s’amalgament et se renforcent
sous la forme inattendue par exemple d’un activisme burlesque ou
prétendu tel, allant puiser, comme chez Dieudonné, son inspiration
chez des idéologues multi condamnés comme Robert Faurisson ou des
opportunistes en mal de médiatisation comme Alain Soral.
S’il
en était juste ainsi, selon l’antique expression hébraïque,
"DAYENOU": cela nous aurait suffit.
Malheureusement,
nous constatons avec inquiétude que ce regain d’antisémitisme
puise sa nouvelle force dans le rejet systématique de l’État
d’Israël, de son existence, et de sa légitimité.
Il
est tout à fait pensable et légitime de s’opposer à une
politique, à un gouvernement ou à une idéologie.
En
revanche, Il est impensable de s’opposer à l’existence d’un
état de droit quel qu’il soit.
Imaginerait-on
demander la disparition de la Chine au nom de l’occupation du Tibet
et de la destruction de toute culture tibétaine ?
Imaginerait-on
demander la disparition de la Russie, au nom des exactions du
stalinisme ou du poutinisme actuel ?
La
liste serait longue et pourrait toucher et intéresser toute nation
souveraine, y compris la notre.
L’Etat
d’Israël doit prendre ses responsabilités dans la résolution de
son conflit avec le peuple palestinien.
Pour
tout observateur indépendant, il ne fera aucun doute qu’Israël
défend actuellement sa survie face aux menées terroristes du Hamas.
Parler
de la paix n’est possible qu’en climat d’apaisement des
tensions militaires, d’apaisement des discours fanatiques, avec une
reconnaissance mutuelle des droits de chacun.
L’engrenage
délétère dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui est le
résultat d’une cascade catastrophique dont il faut rappeler la
chronologie :
-Tirs
de roquettes Quassam et missiles Grad sporadiques depuis plus d’un
an.
-Enlèvement
et assassinat des trois jeunes israéliens le 12 juin dernier: Eyal
Yifrach, 19 ans, Naftali Frankel, 16 ans et Gilad Shaer, 16 ans
également.
-Représailles
incontrôlables d’extrémistes juifs qui le 2 Juillet, enlèvent,
et brulent vivant Mohamed Aboukhder, jeune palestinien de 16 ans,
acte choquant s’il en est, condamné unanimement en Israël.
-Pluie
de roquettes sur le sud d’Israël, jusqu’à Tel-Aviv et
Jérusalem, entrainant le 8 Juillet, l’intervention militaire, «
Barrière de protection », dirigée contre les infrastructures du
Hamas, dans la bande de Gaza, avec son cortège malheureux et
inéluctable de dégats collatéraux en termes humains, oui, en terme
humain, car seules les victimes humaines resteront à jamais
irremplaçables.
Les
manifestations de soutien au peuple palestinien, désireux de vivre
en paix, sont compréhensibles et légitimes.
Que
ces manifestations, à Paris à Lille ou à Marseille soient
organisées en soutien au Hamas, organisation terroriste,
dictatoriale, ayant mis la bande de Gaza sous sa coupe, resteront
inacceptables !
Imaginerait-on
ces mêmes manifestations dans les rues françaises soutenir « Aqmi,
c'est-à-dire Al Qaida au Maghreb Islamique » en conflit avec
l’armée française ?
Accepterons
nous ces mêmes manifestations dans les rues françaises en soutien
aux djihadistes français revenus de Syrie, pour semer la terreur à
Toulouse ou à Bruxelles ?
Comment
comprendre la demande de Mr Le Drian, Ministre de le Défense de la
République française, appelant l’État d’Israël à la retenue
contre le Hamas, alors même que l’armée française, notre armée,
combat le terrorisme en Centrafrique et au Mali, sans que l’homologue
israélien de Mr Le Bihan, n’appelle la France à une quelconque
retenue ? Quelle serait la réponse de la France si AQMI se mettait à
bombarder les
Comme
le disait Shimon Peres dans ses vœux du 14 juillet à l’ambassade
de France à Tel Aviv, le 13 juillet dernier « le terrorisme
ne s’explique pas, le terrorisme ne s’excuse pas, il se combat. »
Nous
sommes réunis aujourd’hui pour rappeler à notre mémoire les
victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat français
sous l’occupation nazie.
Je
ne rappellerai ni les lois d’exception excluant les juifs des
écoles et des universités, des administrations et des entreprises ;
je ne rappellerai pas non plus la confiscation de leurs biens, la
spoliation systématique, et l’humiliation au quotidien par le port
infamant de l’étoile jaune.
Porter
l’étoile de David est en soi un geste de fierté ; la porter sous
la contrainte pour désigner les juifs à la vindicte populaire,
devient un acte discriminatoire prémonitoire des rafles, de la
concentration des juifs, de leur déportation et de leur assassinat
programmé systématique.
La
responsabilité de l’État français s’est trouvée engagée dès
Octobre 1940. Le travail des historiens et la clairvoyance des
pouvoirs politiques ont progressivement conduit le Président Jacques
Chirac, auquel je veux rendre hommage personnellement, à la
reconnaissance courageuse de la responsabilité de l’Etat français,
et non plus de ce qu’il était convenu d’appeler le régime de
Vichy.
Monsieur
le Premier Ministre, monsieur le Maire, Monsieur le Préfet,
Messieurs les représentants de la majorité et de l’opposition,
j’en appelle à votre sens aigu de l’État, à votre attachement
du Vivre ensemble, pour qu’aujourd’hui, aucun autre juif de
France, ne soit victime de l’État français, par négligence, par
laisser faire, ou pire encore, par calcul politique.
Les
musulmans de France et les juifs de France, sont français d’abord,
et doivent coexister dans le respect des droits et des devoirs
octroyés par leur identité nationale.
Il
est une responsabilité pédagogique de rappeler ce fondamental à
tous les âges et dans toutes les strates de la société civile.
Le
vivre ensemble est un impératif citoyen et républicain.
Il
se doit d’être contagieux, et pourrait, peut-être, rêvons un
peu, inspirer les protagonistes d’un conflit dramatique qu’il est
interdit d’importer dans l’Hexagone.
Il
en va de la paix intérieure de la France et de tous ses citoyens.
Je
vous remercie
Albert
ROCHE